Extrait de la grande liste des personnes que j’ai rencontrées au moins une fois dans ma vie
Frédérique Soumagne
D’abord ce texte est un tissé de mémoire, où l’auteur chemine parmi les noms des êtres qui jalonnent sa propre histoire, un entrelacement de souvenirs où ressurgissent, à force de mémoire, noms et silhouettes flous comme des spectres ou images rappelées vivantes, instantanés du souvenir – comme des points à partir desquels se dessine un arbre de mémoire.
L’entrelacement (textus) devient labyrinthe intérieur où toujours l’on se perd et se retrouve parmi la multitude des êtres qui en peuplent un seul. Ce texte se lit alors comme on feuillette un album de photographies – les noms ouvrent des images, des lieux, des trajets, des histoires, des figures.
mère moi : Marie-France Soumagne. Me retrouve une racine de ce texte quand me redit ceci : que Tonton Jeanavait un ami un moine à robe noire qui marquait dans cahier noir les noms ceux de tous ceux qu’il avait rencontrés danstoute sa vie. Cette liste : vieille racine qui traînait dans ma mémoire.
Tonton Jean, Jean Cordier, vieux grand-oncle de moi, venu donner un jour à ma mère la bague en diamants de Marinette morte sa femme. Ses yeux bleus ses longs cheveux blancs.
Son épousée de quatre-vingt douze ans, cette vieille dame lente, douce et calme. Prend dans ses mains la tête de Jean pour l’embrasser dessus. Une photo de leur mariage, je me souviens. Puis disparue, avec son nom, et tout – liée à personne – branche coupée de ma mémoire.
Une gitane à la porte, venue vendre à ma mère des serviettes.
Une petite fille qui l’accompagne.
Johann D. quand j’habitais dans cette maison toute blanche, le garçon blond avec qui je me mariais, on marchait devant les maisons, ma robe de guirlandes et un rideau blanc, avec un cortège de petits enfants