Dans ma tête
Nadine Agostini
A l’adresse d’un « tu » qui scande son texte Nadine Agostini prend en revers les laïus. Elle ne se veut pas une « déviante » qui raconterait ses dérives plus ou moins romancées dans une mouvance du type Kathy Acker. La cavale est plus profonde et pourrait se résumer à une des affirmations adressées à son interlocuteur ou plutôt son interlocutrice : « tu n’as pas rêvé de tuer ton père ». … En une série de courtes affirmations elle va au rendez-vous d’elle-même laissant fuser des images douloureuses et traumatisantes. … D’une vie mal embouchée Nadine Agostini tente de sortir un sens même s’il reste tel un pont suspendu au-dessus du vide et dénué de tout parapet. Elle n’écrit que l’essence de ses troubles sans prévoir de plan : tout avance par sauts dans l’espace et dans le temps. … L’auteur ne cache rien mais sans exhibitions. Les fragments sont autant de crevasses et de fosses. Elles permettent de faire barrage à la fuite des idées et à la confusion mentale. Dans une rhétorique incisive Nadine Agostini s’élève contre les mises en scènes qui éviteraient de se pencher réellement sur ce qui a été commis. A l’événementiel fait place son exégèse. La créatrice prouve qu’écrire est un acte majeur…
Jean-Paul Gavard-Perret
Tu ne peux pas savoir ce qu’il y a dans ma tête ce que j’ai fait entrer dans ma tête tu ne peux pas savoir ce qui est entré dans ma tête avec ma permission ou tout seul tu ne peux pas savoir tu ne peux pas savoir comment je pense tant que tu n’as pas dans ta tête ce qu’il y a dans la mienne tu ne peux rien savoir tu ne peux pas penser comme moi tu ne peux pas penser comme moi tant que
tu n’es pas issue d’une femme qui n’est issue d’aucune femme
tu n’es pas issue d’un homme qui n’avait plus de père
tu n’as pas été élevée par une mère fausse lesbienne née de mère inconnue