Action-writing (manuel)
Sylvain Courtoux
Les « avant-gardes » (modèle XXe siècle), sont mortes. Oui. Est-ce que ça a tué ce qui fit qu’il y eut des avant-gardes ? Non. Rien ne tue, en art, la passion de l’inouï. Qu’est-ce que l’inouï ? Ce qui détruit les représentations mortes. Quelles représentations ? Celles du monde. La littérature est posée face au réel – dont la violence insensée la défie. Réel ? Rien à voir avec la « réalité » – qui n’est que le réseau des représentations codées, l’articulation du possible (l’idéologie). Rien n’y répond de l’expérience que nous faisons du monde. Tout y vide cette expérience de sens, la mortifie. Tout nous y voue à l’assentiment stupide au lieu commun. De quoi est fait ce réseau ? Des langues qui chaque jour socialement nous parlent. Elles sont médiatiques, politiques, publicitaires, pornographiques, mercantiles, psychiatriques. C’est même plus qu’un réseau : c’est un mur. Il faut le traverser, sauf à ne jamais rien toucher du réel. Traverser est une action. Une action d’écriture : action writing, comme on a dit action painting. C’est donc un geste (une performance), d’abord intransitif. Il s’’dentifie à sa propre énergie négative : couper, cut-uper, monter, sampler, rythmer au fil de cette passion destructrice des discours de l’idéologie. Mais il est aussi transitif (critique) : il fonde en acte son refus du monde tel qu’il est et de la réalité qui nous programme bêtes de somme des procès d’aliénation. Et il dessine, en creux, un autre réel, irreprésentable – mais identifiable à l’innommable énergie qui impulse la traversée du mur. Voilà ce que tente Sylvain Courtoux. Salut à son formidable effort. Salut à sa rage d’expression.
Christian Prigent