Sans maintenant

Manuel Daull

Au seuil de la rentrée littéraire 2008, fatigué par toute cette déforestation, j’ai eu besoin de revenir à mes fondamentaux — comme dans ma vie Beckett m’avait souvent accompagné, tout je crois, lire et relire, ne faire que ça — jusqu’à cette envie d’écrire autour de lui — écrire sur mon impossibilité dans ses livres à formuler des images — à cette question constante que Beckett me pose toujours, qu’il me pose toujours depuis, de quel côté des choses sommes-nous ?

 

je ne me rappelle plus quand ça a commencé, c’est trop loin — ça a commencé pourtant — il a bien fallu que ça commence, pour qu’il soit là — il n’a pas toujours été là — pas toujours à mes côtés — je ne me souviens plus d’avant, mais je sais qu’il y a eu un avant — je ne me souviens plus comment c’était avant, sans lui, je n’ai aucun souvenir de ça — aucune image d’avant dans ma tête, ma tête est vide d’avant — je sais juste qu’il y a longtemps, je ne sais plus quand, je ne pourrais pas le dire — je ne pourrais pas dire quel âge j’avais, quand j’étais sans lui — enfant c’est sûr, il n’était pas là, pas là mais jusqu’à quand, je ne me souviens pas avoir été enfant, c’est loin, trop loin, je ne saurais pas dire quand — je ne saurais pas plus dire aujourd’hui mon âge, je suis sans âge depuis qu’il est avec moi, mais depuis quand — depuis quand je suis sans âge

isbn : 978-2-917136-46-1
128 p., 14 × 19 cm